Nairobi, 11 novembre, 2025 / 11:40 PM
La course aux matières premières critiques (MPC) continue de placer les pays africains dans une position défavorable dans leurs relations avec les pays européens, ont déclaré plusieurs entités catholiques d’Afrique et d’ailleurs.
Dans leur message publié avant le sommet prévu pour réunir les représentants de l’Union africaine (UA) et de l’Union européenne (UE) en Angola, du 24 au 25 novembre, les membres du Symposium des Conférences Épiscopales d’Afrique et de Madagascar (SCEAM) se joignent à d’autres entités catholiques pour appeler à un partenariat « équitable » entre l’Afrique et l’Europe, rompant avec la dépendance persistante du continent africain vis-à-vis de l’exportation de matières premières.
Ils dénoncent particulièrement l’« extractivisme », terme désignant l’extraction à grande échelle de minerais destinés à l’exportation avec un traitement minimal sur le lieu d’origine, en l’occurrence en Afrique.
Dans leur déclaration du lundi 10 novembre, également signée par la Commission des Conférences Épiscopales de l’Union européenne (COMECE) et le réseau CIDSE (Coopération internationale pour le développement et la solidarité), en prélude au 7ᵉ sommet UA-UE, les dirigeants de l’Église catholique estiment que cette rencontre représente « une occasion de travailler ensemble à la construction d’un partenariat équitable entre les deux régions ».
« Forts de l’expérience directe de nos communautés et des populations que nous servons – parmi lesquelles les pauvres, les affamés, les agriculteurs, les pêcheurs, les pasteurs, les peuples autochtones, les femmes et les jeunes – nous saisissons cette occasion pour plaider en faveur d’un partenariat UA-UE juste et responsable », déclarent les responsables ecclésiaux dans un texte également signé par Caritas Afrique, Caritas Moyen-Orient et Afrique du Nord, et Caritas Europe.
Ils ajoutent : « Nous réaffirmons notre engagement en faveur de la justice sociale, environnementale et mondiale, tout en dénonçant les fausses solutions climatiques, un modèle de développement fondé sur l’extractivisme et la marchandisation de la nature. »
Les responsables de l’Église exhortent les dirigeants qui se réuniront à Luanda à placer la dignité des peuples africains au cœur des relations UA-UE.
Selon eux, un partenariat équitable entre les deux régions exige des choix décisifs dans plusieurs domaines.
« Nous reconnaissons les efforts de nombreuses initiatives européennes visant à promouvoir le développement humain. Toutefois, comme plusieurs d’entre elles semblent reproduire les schémas extractifs du passé, nous exprimons nos inquiétudes quant à la focalisation accrue de l’UE sur ses intérêts géopolitiques et économiques, au détriment de la justice, de la solidarité avec les peuples africains, de leurs besoins et de leurs aspirations », affirment-ils.
Ils soutiennent que la culture de l’extractivisme ne peut conduire à un véritable partenariat, ni corriger les déséquilibres existants entre l’Afrique et l’Europe.
Dans leur déclaration, les évêques africains, aux côtés d’autres entités ecclésiales, abordent les défis du partenariat Afrique-Europe dans les domaines de l’énergie, du climat, des systèmes alimentaires et de la dette.
Ils proposent également des pistes pour que les actions conjointes dans ces domaines servent mieux l’objectif du développement humain intégral.
En appelant à une transition des « accords énergétiques extractivistes » vers des partenariats équitables et des systèmes énergétiques démocratiques, les responsables catholiques déplorent que la course aux matières premières critiques dévaste des territoires, sacrifie des communautés et risque de renforcer les schémas historiques d’extractivisme.
Selon eux, cette course se déroule dans des systèmes qui placent le profit avant les personnes et qui considèrent la terre, l’eau et les minerais comme des marchandises destinées au profit étranger plutôt que comme des biens communs à gérer avec soin pour le bien de tous.
Les dirigeants de l’Église affirment que les pays africains cherchent à rompre avec les schémas historiques d’extraction et de dépendance aux matières premières, afin de maintenir davantage de transformation de leurs ressources sur leur sol et de créer une plus grande valeur ajoutée locale.
Une telle démarche, disent-ils, exige un partenariat industriel différent entre l’Europe et l’Afrique, dans lequel l’Europe ne se replie pas sur une approche protectionniste du type « Europe d’abord ».
« Les décideurs européens doivent reconnaître que la sécurité des chaînes d’approvisionnement de l’UE ne peut être assurée uniquement par la transformation domestique, et qu’un véritable partenariat avec les pays africains ne peut exister que s’il s’aligne sur les ambitions africaines de création de valeur ajoutée », déclarent-ils.
« Pour être de meilleurs partenaires, l’UE et les gouvernements européens doivent traduire le soutien déclaré de l’Union à la valeur ajoutée locale dans les pays africains en actions concrètes », ajoutent-ils.
Dans leur déclaration, les responsables catholiques proposent aussi une transition de la consommation excessive vers ce qu’ils appellent une « sobriété joyeuse », face à la pression sociale et environnementale exercée sur les pays africains riches en ressources.
Selon eux, les récents partenariats énergétiques et climatiques de l’UE avec les pays africains reposent sur des prévisions de demande en minerais basées sur une forte augmentation de la consommation énergétique en Europe.
Ils estiment que ces partenariats manquent d’efforts sérieux pour réduire la surconsommation en Europe, laquelle serait « essentielle pour diminuer la pression sociale et environnementale sur les pays riches en ressources et pour prendre soin de notre maison commune ».
« Les Européens doivent reconnaître qu’au-delà d’un certain niveau, une consommation matérielle accrue n’est pas liée à une amélioration du bien-être, et qu’ils ne peuvent plus maintenir un modèle économique qui exploite les personnes et les ressources sans limite », soulignent-ils. « Le partenariat UA-UE doit se fonder sur la reconnaissance des limites écologiques de la planète et placer le soin de la vie sous toutes ses formes au centre de ses priorités. »
Ils exhortent les dirigeants européens à adopter des politiques visant à réduire la demande et la consommation, ce qui permettrait de diminuer la dépendance excessive de l’UE vis-à-vis des importations d’énergie et de prévenir de nouveaux impacts sociaux et environnementaux sur les territoires africains.
Les responsables catholiques appellent également à une transition du « piège de la dette » vers une « justice de la dette », notant que la crise actuelle « est la pire de l’histoire, affectant plus de 40 pays africains ».
(L'histoire continue ci-dessous)
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Leur déclaration se veut un appel unique en faveur d’un partenariat Afrique-Europe qui apporte la justice aux peuples africains.
Ils envisagent un sommet qui offre des réparations pour les injustices et l’exploitation historiques infligées au continent africain.
« Les Européens doivent reconnaître les causes profondes des problèmes actuels, et le fait que l’héritage du colonialisme et de l’esclavage continue d’influencer les économies extractives et les crises de la dette », affirment les entités catholiques dans leur appel commun.
Elles ajoutent : « Des mesures concrètes de la part de l’UE en matière de création de valeur ajoutée locale, de systèmes énergétiques démocratiques, de promotion des principes et pratiques agroécologiques, ainsi que de résolution de la dette, sont essentielles pour s’attaquer aux causes profondes de la pauvreté et des inégalités en Afrique. »
« C’est ainsi que les dirigeants européens peuvent ouvrir la voie à une relation tournée vers l’avenir avec les pays africains. C’est ainsi que le partenariat UA-UE peut être au service de la vie », concluent les responsables de l’Église.
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